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Nathalie Leenhardt

Quand dans ma vie il faisait froid…




Ce fut comme une déflagration dans un ciel gris. Quand Poutine s’est attaqué à l’Ukraine, nous n’étions certes pas sereins. Inquiets plutôt de la montée des tensions… Mais de là à imaginer un conflit sur le sol européen, impossible. Depuis longtemps, nous avions cessé de “penser” la guerre comme une probabilité, comme un réel à venir sur notre continent. Nous n’étions pas les seuls. L’état de sidération a frappé partout, jusque dans les plus hautes sphères de la politique. Et puis, rapidement, est venu le temps de la réaction.


Jamais l’Union européenne n’a alors si bien porté son nom, ou alors pas depuis longtemps. Elle réussit à faire front commun face à un Vladimir Poutine toujours plus enfermé dans sa volonté de restaurer la Russie éternelle, devenu imperméable à toute discussion et tout compromis, envahi par la frustration, l’humiliation, le désir de vengeance, la toute-puissance.



Les sanctions économiques et financières prises par l’UE n’y ont pas changé grand-chose. La Russie tient les Européens grâce à son gaz, son charbon et son pétrole. Alors le maître du Kremlin peut continuer de martyriser le peuple ukrainien dans le Sud et l’Est du pays. Les photos de Marioupol sont insoutenables tout comme celles des charniers de Buzova mais comment s’aventurer dans une réplique militaire européenne, quand Poutine brandit la menace nucléaire? Alors sont revenus les temps de guerre froide, celui de la diplomatie tous azimuts, marqué par l’impuissance de l’ONU.


Photo à Kiev by Marjan Blan

Et puis le quotidien a repris sa place, marqué par la question du pouvoir d’achat, une campagne atone, une élection qui ne le fut pas moins, tant gagne le désenchantement de la politique avec un grand P.


Avec le risque que s'étiole toujours plus la notion de bien commun et le consentement à la démocratie, la passion de la République.

Mais si l’Ukraine fait moins la Une des médias ou l’ouverture des journaux télévisés, comment oublier les pleurs de Marta, 25 ans ? Elle est venue en transit chez moi avant de repartir sur Roanne, il y a quelques semaines.


Elle m’écrit traverser la plus dure période de sa vie, menant une vie presque normale alors que son amoureux est resté au front, lui qui n’avait jamais vu un fusil de sa vie.

Comme elles, elles sont des milliers, ces jeunes femmes, ces jeunes mères qui ont fui les bombes et ont trouvé refuge chez nous. Souvent, je discute avec Genia, dermatologue, arrivée avec ses deux filles adorables, Carolina et Veronika. Son mari est mobilisé lui aussi. Genia impressionne par son énergie, sa volonté d’apprendre vite notre langue. Ainsi, elles sont 12 familles, 28 personnes en tout, à avoir rejoint, par les hasards de la route de l’exil, cette petite ville des Hauts-de-Seine. Les accompagner dans cet exil est un défi. Genia et Marta sont entourées par un filet de bénévoles, des citoyens qui n’ont pas pu laisser faire et qui ont ouvert leur porte… Pour elles, pour eux, l’indifférence n’est pas de mise.


Nathalie Leenhardt

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